Pour la Cour de cassation, pas d'adoption simple au sein d'un couple homosexuel

Publié le par Jérôme TASSI

      Presque un an jour pour jour après un arrêt remarqué qui avait admis une délégation d’autorité parentale au sein d’un couple homosexuel (http://droitetcriminologie.over-blog.com/article-2474277.html), la première chambre civile de la Cour de Cassation vient de rendre 2 arrêts en date du 20 février 2007 se prononçant contre l’adoption simple de l’enfant d’une femme homosexuelle par sa concubine. Dans les 2 affaires, les faits étaient les mêmes. Au sein d’un couple homosexuel uni par un PACS, une des 2 femmes a un enfant biologique et souhaite que sa partenaire ait une lien de filiation avec l’enfant, par le biais de l’adoption simple. Dans un cas, la Cour d’appel de Bourges (13 avril 2006) a admis cette adoption car « elles apportent toutes deux à l’enfant des conditions matérielles et morales adaptées et la chaleur affective souhaitable ». Dans l’autre cas, la Cour d’appel de Paris (6 mai 2004) rejette la requête.

 

J’ai lu dans la presse, que la Cour de cassation avait refusé l’adoption simple « pour des raisons de droit » (sic). En effet, juridiquement, l’adoption simple dans cette situation est difficilement envisageable. Pour résumer, il existe 2 types d’adoption :

 

-         l’adoption plénière qui « rompt le lien du sang et crée une filiation exclusive et irrévocable » (C. Nierinck, JCL civil, art.343 à 370-2, fac. 30)

-         l’adoption simple qui « laisse subsister la filiation d’origine qui continue à produire certains effets et lui ajoute une filiation adoptive qui produit elle-même des effets importants » (idem).

 

Ainsi, dans le cas d’un couple homosexuel, seule l’adoption simple peut, en principe, exister pour qu’un double lien de filiation puisse exister entre l’enfant, son père ou sa mère, et le conjoint de celui-ci. Toutefois, au niveau de ses effets, l’adoption simple entraîne, selon l’article 365 du Code civil, un transfert total de l’autorité parentale au profit de l’adoptant. Appliqué au cas d’espèce, on en arriverait donc au cas ubuesque, où le parent se trouverait démuni de l’autorité parentale, qui serait confiée à son conjoint. Cette situation pourrait être fort préjudiciable en cas de dissension sur l’éducation ou de séparation du couple. Tirant les conséquences de cette règle, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel qui avait admis l’adoption simple car « en statuant ainsi, alors que cette adoption réalisait un transfert des droits d’autorité parentale sur l’enfant en privant la mère biologique, qui entendait continuer à élever l’enfant, de ses propres droits, de sorte que, même si Mme Y… avait alors consenti à cette adoption, en faisant droit à la requête la Cour d’appel a violé le texte susvisé » (art. 365 C.civ.).

 

Il faut préciser que la loi du 4 mars 2002 a introduit une exception à ce transfert d’autorité parentale dans le cas d’un couple marié. Dans cette hypothèse, s’il s’agit de l’adoption de l’enfant du conjoint, l’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint, ce dernier en conservant seul l’exercice. On retrouve donc incidemment la problématique qui semble inévitablement liée de l’adoption et du mariage pour les couples homosexuels. A mon sens, concernant le cas précis d’un couple stable et uni, il est nécessaire de prévoir la même exception que pour les couples mariés avec une autorité parentale concurrente. Il suffirait par exemple d’ajouter à l’article 365 le cas du couple pacsé.  L’intérêt de l’enfant d’ avoir des liens de filiation vis-à-vis des deux adultes qui l’élèvent me semble primordial. De plus, il s’agit d’une solution simple à mettre en œuvre, qui ne chamboule pas tout le droit de la famille. En effet, je pense qu’il serait souhaitable de déconnecter cette question, qui concerne l’enfant,  de celle du mariage des couples homosexuels, relative plus généralement à la reconnaissance juridique de ce type d’union. La possibilité d’autorité parentale concurrente est sans doute une solution médiane, qui ne règle pas tous les problèmes, mais qui assurerait au moins l’intérêt de l’enfant, qui rappelons-le (certains semble l’oublier) est fondamental. Il me semble que tout le monde pourrait s’entendre sur ce point, dans le cadre juridique du PACS tout au moins, alors qu’attendre un accord sur le mariage homosexuel est beaucoup plus problématique.

 

Publié dans Droit privé

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C
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J
Pour information, je viens de prendre connaissance d'un arrêt de la Cour d'appel d'Amiens du 14 février 2007 qui a admis une adoption simple dans un tel cas.<br /> Je reproduis ici les attendus principaux: "Que l'adoption considérée est conforme à l'adoption de l'enfant, caractérisée en l'espèce d'une part par le fait qu'il disposera d'un parent supplémentaire conformément à la réalité du cadre familial dans lequel il évolue, puisque, comme cela résulte des attestations produites, il est élevé au sein du foyer stable composé de X. et de Y. lesquelles ont formée le projet de l'élever ensemble et pourvoient conjointement à ses besoisn affectifs et éducatifs, et est intégré à la famille de Y.; d'autre part par le bénéficequ'il tirera de sa double vocation successorale;<br /> Que X. étant parfaitement avisée de ce que l'adoption entraînera le transfert des droits de l'autorité parentale au profit de Y., ce qu'elel a confirmé à l'audience devant la Cour, cet élément n'est pas de nature à faire obstacle à l'adoption, dès lors que ces droits pourront lui être délégués partiellement ou en totalité, comme le permettent les dispositions de l'article 377 du code civil."<br /> Cette motivation audacieuse sera infirmée quelques jours plus tard par les arrêts ci-dessus commentés. Il n'est pas impossible que les juges du fond résistent à la Cour de cassation.